Il peut arriver qu’un travailleur se retrouve incarcéré, soit en détention provisoire parce qu’il fait l’objet d’une enquête pénale, soit pour exécuter une peine à laquelle il a été condamné. On peut même imaginer qu’il soit incarcéré à la suite d’une infraction commise au détriment de son employeur.

Lorsque le travailleur est incarcéré et ne peut plus travailler, l’employeur doit-il continuer à payer le salaire ? Peut-il résilier le contrat ?

Communication avec le travailleur incarcéré

Le travailleur incarcéré ne peut plus retirer le courrier qui lui serait adressé à son adresse de domicile. Par ailleurs un établissement pénitentiaire ne constitue pas un domicile au sens de la loi, de sorte qu’il est très délicat de communiquer utilement avec un travailleur qui se trouve en prison.

Si le travailleur est placé en détention préventive pour de faits d’une certaine gravité, un avocat défendra ses intérêts et contactera l’employeur pour annoncer que le travailleur ne pourra pas reprendre le travail.

Pour toute communication importante, telle qu’une éventuelle résiliation des rapports de travail, on recommande d’adresser la notification à l’adresse de domicile du travailleur et à son avocat, de façon à s’assurer que cette communication entre dans la sphère de connaissance du travailleur.

Incarcération du travailleur et obligation de l’employeur de payer le salaire

Lorsque le travailleur est empêché sans sa faute de fournir sa prestation de travail, notamment en cas d’incapacité pour cause de maladie ou accident de travailler, ou de vacances, l’employeur demeure, sur le principe, tenu de verser le salaire. Dans le cas où le travailleur est incarcéré, on considère que l’empêchement de travailler est fautif, ce qui légitime en principe l’employeur à suspendre le paiement du salaire, à tout le moins jusqu’à ce que la raison de la détention préventive soit connue.

Si la détention s’avère être injustifiée à la suite d’un acquittement ou à la clôture de la procédure pénale dirigée contre le travailleur, l’employeur peut être tenu de payer rétroactivement le salaire qu’il aurait suspendu pendant la période de détention préventive. Il faut préciser enfin que, même en cas d’acquittement, on pourrait considérer que l’employé a, par son comportement, contribué à déclencher l’affaire pénale dirigée contre lui et donc à être placé en détention préventive. Dans ce dernier cas, la retenue de salaire pourrait encore se justifier.

Maintien ou résiliation du contrat de travail

L’employeur, apprenant la détention de son travailleur, peut être tenté de le licencier, soit parce que ces circonstances ébranle la confiance qu’il porte à son collaborateur, soit parce que son absence persistante est incompatible avec le saine gestion de son entreprise, et qu’il est nécessaire de le remplacer :

  • En tout temps, l’employeur a la possibilité de résilier un contrat de travail de façon ordinaire, en respectant le délais de résiliation applicable. Durant le délai de résiliation, et tant que le travailleur est incarcéré et ne peut fournir sa prestation de travail, l’employeur est dispensé de l’obligation de lui servir son salaire.
  • L’employeur peut également envisager de résilier les rapports de travail avec effet immédiat pour justes motifs, mais cette démarche comporte un sérieux risque. Comme l’employeur ne connaît en général pas le motif de la détention, il est très délicat de s’appuyer sur l’incarcération de l’employé pour en faire un juste motif de résiliation avec effet immédiat. En effet, si finalement la détention de l’employé s’avère injustifiée, et qu’il est acquitté, il pourrait soutenir à certaines conditions devoir être indemnisé pour un licenciement immédiat injustifié.

Recommandations

  • L’employeur devrait commencer par suspendre le paiement du salaire du travailleur incarcéré.
  • Parallèlement, et s’il souhaite mettre un terme aux rapports de travail, l’employeur peut tenter d’interpeller le travailleur directement, ou par le canal de son avocat, pour lui proposer une convention de résiliation des rapports de travail.
  • En dernier ressort, et si le travailleur s’oppose à une telle convention, l’employeur peut résilier les rapports de travail de façon ordinaire, tout en retenant le paiement du salaire, tant que dure la détention provisoire et l’impossibilité objective du travailleur de fournir sa prestation.
  • Le licenciement avec effet immédiat ne devrait être envisagé que dans les cas extrêmes, notamment lorsqu’une infraction pénale a été commise au détriment de l’employeur.