Guerre en Ukraine: hausse des prix des matériaux

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La guerre en Ukraine déploie des conséquences délicates sur les entreprises en Suisse. Bien évidemment, ces impacts sont incomparables avec les terribles destructions et souffrances rencontrées par les populations concernées. Cependant, le conflit a une incidence considérable sur le marché de l’acier et de l’aluminium, car plus de 25% des importations de ces matériaux proviennent des régions touchées.

A cela s’ajoutent les importantes fluctuations du prix de l’essence, indispensable pour le fonctionnement des véhicules de livraison et de chantiers. Pire encore: en sus de l’augmentation des prix, les livraisons prennent du retard et il est même parfois impossible d’obtenir des délais fermes dans les commandes auprès des fournisseurs.

Ces problèmes s’ajoutent à ceux découlant de la crise de la pandémie de Coronavirus, dans le cadre de laquelle la levée des mesures a entraîné, en 2021 déjà, une reprise fulgurante des activités dans de nombreux domaines d’activités, ce qui a déjà provoqué des hausses et des retards.

Il est difficile de prévoir avec un certain degré de précision l’évolution de la situation, mais, il apparaît d’ores et déjà qu’à court et à moyen terme, les entreprises de la construction – comme d’autres acteurs d’ailleurs – sont confrontées à une situation de marché instable dans laquelle il paraît acquis que, non seulement les prix vont continuer à augmenter, mais encore, qu’il faudra compter sur des reports de délais de livraison, voire sur des pénuries. A ce stade, il n’existe malheureusement pas encore de projections fiables, même à bref délai.

Prise de position

La crise actuelle échappe à toute prévision, y compris à celles des parties au contrat d’entreprise et, partant, est assimilable à un cas de force majeure, auquel l’application par les tribunaux de la théorie de l’imprévision permet notamment une modification du quantum (prix) des prestations, notamment du prix (ATF 47 II 314 = JdT 1921 I 561 ; ATF 48 II 249 = JdT 1922 I 472), lorsque le contrat est exécutable sans préjudice considérable pour l’autre partie (ATF 97 II 390 = JdT 1973 I 180 ; ATF 93 II 290 ; JdT 1968 I 565), comme ce fut le cas lors de précédents conflits et dans le cadre de la crise de la pandémie de Coronavirus. Les récentes augmentations importantes des prix de certaines matières premières et fournitures sont imputables à un conflit qui pourrait devenir majeur et s’ajoutent à celles constatées à la suite de la reprise des activités consécutive à la levée progressive des mesures sanitaires. La loi et les normes associatives tiennent également compte de ce type de circonstances exceptionnelles.

Recommandations

Pour les contrats à venir, les appels d’offre ou les soumissions, il est vivement conseillé de renoncer à des prix fermes (forfaits) et à toute clause de blocage des prix ou limitant les hausses. Il est également recommandé d’éviter de recourir à des méthodes indicielles mais de privilégier les méthodes recourant aux pièces justificatives (voir par exemple sur ce point la Norme SIA-124). Les disposions des Normes SIA 122 à 125 peuvent également servir de modèle, notamment sans fixation de prix fermes, à tout le moins pour une période à convenir entre les parties.

Pour les contrats en cours d’exécution, il faut distinguer ceux qui ont intégré la Norme SIA-118 ou à tout le moins son art. 59 des autres contrats. Dans le premier cas de figure, l’art. 59 SIA-118 donne droit à l’entrepreneur à une rémunération supplémentaire lorsque des circonstances extraordinaires, impossibles à prévoir ou exclues par les parties, empêchent ou rendent difficile à l’excès l’exécution de l’ouvrage. Dans ce cadre, il est toujours utile que l’entrepreneur fonde sa demande sur des pièces justificatives. Pour les contrats qui n’ont pas intégré cette norme ou dont les conditions générales ou particulières excluent l’application de l’art. 59 SIA-118 ou de l’art. 373 al. 2 du code des obligations (CO), le maître de l’ouvrage (MO) ou la direction des travaux (DT) doit admettre les modifications des prix, en application de la théorie de l’imprévision qui repose sur l’art. 2 du code civil (CC). Cette disposition applicable même en cas de clauses impératives stipulées contractuellement prohibe l’abus de droit et ne permet pas à un créancier d’exiger l’exécution d’une obligation que la modification de circonstances rend insupportables pour l’entrepreneur.

En cas de retard de livraison, fondés notamment sur des annonces publiques ou individuelles de fournisseurs, les délais usuels peuvent être prolongés de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois pour certains produits. Ces retards de livraisons sont évidemment totalement indépendants de la volonté des entrepreneurs. Dans ce genre de situation, il faut une fois de plus en informer sans délai par écrit le MO ou son représentant (mandataire, architecte, etc.) en lui signalant que l’interruption des travaux est due à un problème d’approvisionnement.

En cas de chômage technique, il est encore possible pour l’entrepreneur employeur de déposer une demande de préavis pour réduction de l’horaire de travail. La demande doit être justifiée en détail dans le préavis, une simple référence à la situation actuelle (crise, pandémie, etc.) est insuffisante. La perte de travail ou réduction de l’horaire de travail doit être due à des facteurs d’ordre économique, inévitable et passagère, inhabituelle dans la branche, étrangère à un conflit collectif de travail et indépendante de mesures touchant l’organisation de l’entreprise. Les détails et les documents utiles peuvent être consultés sur la page Internet de la Fédération vaudoise des entrepreneurs dédiée à cette question (https://fve.ch/a-propos/info-coronavirus/rht).

Attitude proactive et devoir d’avis de l’entrepreneur

Dans tous les cas de figure, il est recommandé à l’entrepreneur d’adopter une attitude proactive à l’égard de ses fournisseurs en les sollicitant assez tôt pour obtenir des indications les plus précises que possible sur les délais et les éventuels retards de livraison et de répercuter sans délai ces informations auprès du MO ou de la DT.

S’agissant des retards de livraison ou des pénuries, même en l’absence de demande expresse du MO ou de la DT, l’entrepreneur peut leur produire des échanges de courriels ou tout autre document du fournisseur qui fait état de ces circonstances. La prolongation des délais contractuels est justifiée et les pénalités contractuelles ne sont pas exigibles dans ce contexte (art. 59 et 96 ss SIA-118, voir spécifiquement les art. 96 al. 1 et 98 al. 2 SIA-118).

En ce qui concerne les augmentations de prix, l’entrepreneur doit obligatoirement aviser/informer le maître de l’ouvrage ou son représentant (mandataire, architecte, etc.), conformément au devoir d’avis découlant du CO et de l’art. 25 SIA-118. Un devis estimatif complémentaire portant sur ces coûts doit être établi par l’entrepreneur et joint au courrier ou sur demande du MO. Le prix du devis devrait être fixé à la date de confirmation de commande des marchandises par le fournisseur. L’entrepreneur devrait également documenter la variation du prix revendiquée et un devis actualisé sera remis au MO. Si les parties ont opté pour un prix effectif, les hausses ou les baisses de prix dues aux variations des prix des matériaux sont à la charge ou respectivement au profit du maître de l’ouvrage (MO). Dans ce cas, il est recommandé d’informer le maître d’ouvrage le plus rapidement possible sur les conséquences que cette augmentation des prix de la matière première aura sur le prix final de l’ouvrage. Dans tous les cas, il est conseillé aux entrepreneurs d’adopter une approche consensuelle afin d’obtenir une modification à l’amiable des prix, en fournissant le cas échéant, toutes les informations utiles.

La Fédération vaudoise des entrepreneurs met à disposition de ses coopérateurs des informations relatives à ces problématiques et des modèles de lettre. Vous pouvez également contacter le service juridique de la fédération pour toute question.

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